How about: aller se casser les jambes dans Mafate?

Petit point descriptif:

Comme vous le savez sans doute, la Réunion est une île volcanique, encore active grâce au Piton de la Fournaise. Il y a bien longtemps, le Piton des neiges lui aussi a participé à la formation de l'île, la faisant culminer aujourd'hui à 3 070m d'altitude. Ayant aujourd'hui mis la clé sous la porte depuis bien longtemps, le piton de neiges s'est effondré il y a plusieurs milliers d'années. En ce faisant, il a donné vie à trois cirques: Cilaos, Salazie et Mafate qui nous intéresse aujourd'hui.

Mafate, c'est le cirque le plus inaccessible de l'île Bourbon. Il était le refuge pour nombre d'esclaves ayant fuit leur condition, il porte d'ailleurs le nom du chef des esclaves de l'époque. Aujourd'hui c'est devenu le rêve de tout randonneur, du plus aguerri au plus trouillard! Aucune voiture, les seuls moyens d'accès sont l'hélicoptère ou bien les pattes (on acceptera la mule comme une réponse valable aussi). Dans le cirque on retrouve des "îlet", qui sont de petits villages, ou du moins, des groupements d'habitations, de gîtes, avec à chaque fois une épicerie/bar pour approvisionner randonneurs et habitants.

C'est donc le site le plus préservé de l'île, c'est d'ailleurs pour ça que j'ai choisi d'y aller tout particulièrement, mais les paysages préservés, ça se mérite! Les sentiers ont beau être très bien balisés, à tel point qu'une carte est superflue une fois sur place, la randonnée n'y est pas toujours de tout repos... J'y serai resté trois jours, deux nuits, entré par sans-soucis, et sorti par le col du Taïbit, arrivée au village de Cilaos. Le tout pour un peu plus de 30km parcourus (sur la carte, itinéraires: 9-16-15-12-21-19), plus de 2700m de dénivelé + et 1900m de dénivelé -. Pour un randonneur expert, ces chiffres font rire, mais pour moi qui ne fait qu'une rands tous les 36 du mois, ça commence à piquer.

Me voilà donc parti dans ce décor de Jurassic Parc, avec ma b*te, mon couteau, et aussi un peu de matos de campeur quand même je suis pas Mc Gyver ni Bear Grills non plus! Mon petit sac pèse 16Kg, un peu trop à mon goût, si c'était à refaire, j'économiserais sur les fringues, car de toute manière on va pas dans Mafate pour se la péter façon bling bling.

Plan de Mafate

Jour 1:

Départ de Sans-souci, qui porte bien son nom. Le chemin est large, plutôt simple, et même si on entame tout de suite par de la montée, ça va! ça reste acceptable. Le chemin commence entre les habitations et les champs de canne,de bananiers et on est à l'ombre surtout. Puis on arrive dans Mafate, on suit alors la canalisation des oranger, un tuyau d'eau long de 10km, une portion plate où l'on est accroché à la falaise, surplombant la rivière de galets.

On en prend plein les yeux grâce à la vue assez fantastique sur la falaise d'en face que nous procure l'apique, mais aussi plein la gueule car le soleil tape fort, et tout du long.Au bout de quelques Km à peine, et malgré tous mes efforts et les litres de crème solaire étalés à la truelle, je pèle déjà sur les bras, ça s'annonce CHAUD! Je subis tellement le soleil qu'à 100m de ma première étape, l'Ilet aux Orangers, je suis obligé d'étendre le hamac à l'ombre de deux arbres et taper une sieste pour reprendre mes esprits, ces 15min initiales se transformeront en un peu plus d'une heure, mais bon, c'est les vacances!

A Ilet aux Orangers, finalement arrivé, je croise le chemin de Thomas et Maylane, lui travaille dans l'aéronautique à Marignane et installe des toilettes dans des hélicos de luxe, et elle est originaire de la Réunion, mais vit à Paris et étudiait le droit aérien. DEUX NOUVEAUX COPAINS, on a finalement fait la route jusqu'à Roche plate ensemble, on en a chié pour passer la Brèche, mais le tout dans une bonne ambiance en prenant des petites pauses graines/makatia,c'était cool quoi! Ils m'ont ensuite convié au gîte où ils passaient la nuit, le Mahafaty-Be tenu par Jean-Pierre, l'infatigable et phénoménal Jean Pierre! On a ainsi partagé quelques bières, et un repas plus que copieux préparé par le chef sur place. Après ça, on a pesté contre les autres occupants du gîte (pas tout à fait dans le même délire) et maté le ciel étoilé: la vie, la vraie, quoi...

Jean-Pierre m'a laissé planter ma tente sur son terrain, adorable, m'a offert une douche, GENIAL, et le petit déj',avec vue s'il vous plaît!En bref, j'aime bien les copains de voyage, surtout quand ils sont cool et drôles!

 Pour la petite histoire, Thomas et moi avons grandi à AU MOINS 5km de distance, nous avons même joué dans le même club de foot! Il fallait que je fasse 11h de vol, et 5h de marche pour rencontrer un Istréen! 

Bilan de la journée: 18km, 1000m de dénivelé+, et deux nouveaux copains!

Jour 2:

Lever de soleil splendide, la vue est à couper le souffle depuis le mirador du Mahafaty-Be! Petit déj' offert par la maison, après une bonne nuit passée sous la tente. Jean-Pierre raconte ses dernières blagues, je profite des derniers instants avec mes éphemères compagnons de voyage, et puis GO.

Aujourd'hui c'est du sale, en deux étapes. En partant de Roche plate je veux rejoindre Trois roches pour y poser ma tente en passant par La Nouvelle (beaucoup de noms? Regarde la petite carte en haut^^).  Après 20min de marche toute pépouze, je commence à me demander où est le piège, et puis tout à coup, ça apparait! La descente du Bronchard, elle est vertigineuse, et même si elle ne fait que 450m de dénivelé, ça glisse, le sol est instable, et puis c'est en plein cagnard! Je peine à descendre, et plains le peu de personnes que je croise dans le sens inverse. 

Une fois en bas, tout en bas même, je ne vois plus de sentier. En fait, i me faudra traverser la rivière à trois reprises pour en retrouver un... Et qui bien sûr, ne s'annonce pas des plus reposant, la remontée commence directement par des échelles!!! S'entamme alors la montée, bien sûr, il est presque midi et le soleil tape à la verticale, sinon à quoi bon? Pour contrebalancer mes propos, les paysages sont encore une fois à couper le souffle, et une fois les 850m de D+ avalés et digérés, P*tain qu'on est fier!

J'arrive à La Nouvelle, le plus gros Ilêt du cirque, pas vraiment le plus beau, mais au moins je trouve à manger et à boire: "Une Dodo glacée et un gros américain bouchon piment SVP!". Une petite sieste digestive dans l'herbe plus tard, me voilà tout requinqué! J'arrive vite à la Plaine aux sables, avec un ciel nuageux, et un brouillard à couper à la hâche, un peu lugubre... Mais j'aime bien! Le temps d'une photo et Hop, je repars vers ma destination, Trois Roches. Arrivé après avoir fait vibrer mes pauvres genoux dans une bonne descente, m'y voilà!

Le site est MAGNIFIQUE! le ciel est bouché donc je n'y vois pas grand chose, mais il y a une cascade, et j'adore les cascades. Puis c'est pas n'importe quelle cascade, celle-ci fait 300m, et on ne voit que le haut qui est à notre hauteur. L'eau s'engouffre dans une faille, on la voit commencer à tomber, puis on s'imagine le fracas formidable en bas. Je bave...

A peine arrivé, je plante la tente après un rapide tour des lieux, et 15min à regarder béatement l'eau couler dans sa faille. J'ai des voisins! Et encore une fois je suis bien tombé! Désiré et Luna, deux créoles, connaissent bien les coins, et les histoires qui vont avec. Lui est sur le point d'ouvrir un gîte sur l'Ilet à Malheur, et elle étudie les sciences politiques à Paris. Désiré est incollable sur Mafate, il a travaillé pas mal avec les mafatais, et connait plein d'histoires, qu'il me contera toute la soirée. Sans même m'inviter directement, ils m'ont fait comprendre que je mangeais avec eux, pardon, que je festoierais avec eux! Au menu c'est Salade parisienne, steack de quinoa revisités accompagné de pommes persillées et fruits de la passion en dessert... Désiré nous a assuré le show en cuisinant comme un chef en extérieur. Enfin bref, on s'est pété le bide, royal, et je me suis fait deux nouveaux copains de voyage, toujours aussi sympas.

Bilan de la journée: 10km, 960m de D+, 2 nouveaux copains, 3kg et une cuite au Punch Dezil'...

Jour 3:

Encore un lever de soleil dans Mafate, splendide, la lumière descend du Maïdo pour venir éclairer la rivière, et enfin je peux apprécier la beauté de l'endroit! La cascade est vertigineuse, imposible de voir où l'eau s'écrase tellement le roche est glissante et il me semble dangereux de m'approcher. Mes voisins sont partis avant mon réveil, je suis donc seul, avec les chats sauvages, qui n'auront pas réussi à me choper mon pique-nique, attaché à 1m80 de haut entre deux arbres...

le temps de plier la tente, de faire bouillir de l'eau de la rivière car je n'en ai déjà plus, et GO. direction Marla comme première étape. On suit le lit de la rivière, puis on la traverse, on est au pied du Maïdo (un grand mur de 800m de haut) puis le sentier disparait, signe qu'il faut encore traverser la rivière. Puis tout de suite s'entame une montée vertigineuse, c'est assez court, mais tellement intense! On est obligé d'y mettre les mains pour pouvoir monter, un vrai petit mur d'escalade de 300m... génial! 

La montée terminée, on arrive à Marla, un Ilet tout mignon où l'on croise poules peï, cabris et randonneurs. Je m'arrête au snack/sound system/bar, il est 10h, "Un jambon beurre, et de l'eau SVP". Je rencontre un type qui court le grand raid, il a déjà fait le tour du cirque le matin même, dégoûtant, mais je ne me décourage pas. Je paye et m'en vais.

Directement en partant je croise ..., qui est avec Marcos, un couple tout mignon. Elle est réunionnaise d'origine, mais vit en métropole depuis pas mal de temps, lui est Argentin, et vient de Mendoza. Elle, travallais comme hôtesse de l'air, et lui, travaille comme pro et prof en com'. Ils ont le sourire et la blague facile, le courant passe vite. Nous décidons de franchir le col du Taïbit ensemble, et y arrivons avec succès, sans trop de mal. Arrivé en haut le ciel est bouché, je veux donc attendre un peu pour profiter de la vue, sauf qu'au moment de sortir mon hamac, la pluie nous a surpris. J'ai donc surtout attrapé mon k-way et ai rattrapé les compagnons partis devant.

Nous avons donc descendu le col, 850 de D-, quelques chutes et glissades avortées plus tard, on y est, une ROUTE! LA route! même... Cela fait maintenant une heure qu'on sous des trombes d'eau, on est trempés, et on apprend qu'il n'y a plus de bus, car il y a eu un éboulis un peu plus haut. Un peu abbattus par la nouvelle, on se remet vite en jambes, et décidons qu'il faut faire du stop jusqu'à Cilaos, on sera finalement pris par un agent d'entretient des routes, qui nous a chargés à l'arrière de son partner. MERCI! 

On arrive trempés à Cilaos, où on apprend que le bus a des heures de retard, et on ne sait donc pas quand, et même si il arrivera un jour. On ne se démotive pas, et donc on prend un café, au chaud et au SEC! Là je m'apperçois que mon téléphone, même caché sous mon kway, n'a pas apprécié la pluie, et montre de grands signes de faiblesse, sympa pour appeler Cyril qui doit venir me chercher... Nous finissons par décider qu'il faut faire du stop jusqu'en bas, à St Louis, car le bus est trop incertain. Au final, une fois arrivés au point stratégique, le bus arrive, et nous montons à l'intérieur. Le chauffeur a gagné toute mon admiration, il passe à fond dans des virages où je n'irais même pas à vélo! Et dans des tunnels où il ne passe qu'à 1cm près. Fortiche, le gars!

Une fois arrivés à la gare, c'est terminé, une petite bière vite avalée et les copains sont partis, les bons compagnons de galère. Qui sait, un jour peut-être qu'on se retrouvera par hasard, rien ne l'interdit! En tout cas cela marque bien la fin du petit trip, c'était court, mais putain que c'était bon!

Bilan de la journée:8,3km, 910m de D+, 2 nouveaux copains, 1 portable et 1 paire de lunettes en moins. 1 joli voyage!